
Upcycling. Un terme qui ne vous disait sans doute rien il y’a peu, mais qui vous semble aujourd’hui si familier. Si l’upcycling a longtemps été considéré comme un enfant maudit par les marques de luxe ; le discours et l’approche par rapport à cet enfant non désiré changent. Un revirement dû en partie à la pandémie qui a eu son petit mot à dire. De Vuitton à Armani, en passant par Maison Margiela, la conscience écologique est venue frapper à leurs portes. Devenu le Mont St Michel de la mode, s’approprier la parenté de cet enfant “Upcycling” est désormais capital. Bref, le luxe se recycle et crée du neuf avec du vieux.
Recyclage, ce mot tabou
Ne dites pas recyclage, dites “upcycling”, “régénération”, “anoblissement”, “seconde vie” ; tant de mots pour ne pas appeler un chat un chat et préserver cette image de luxe et de nouveau. Mais en même temps, peut-on leur en vouloir ? Quand “recyclage” rime dans l’esprit des gens avec “déchet” ; communiquer sur le recyclage de vêtements devient pour les maisons de luxe un exercice d’équilibriste jongleurs très compliqué.
Dès lors, comment faire plaisir à sa clientèle sans déplaire à sa clientèle ?
Comment dire “nous créons des produits de qualité qui utilisent des matériaux de qualité déjà utilisés » sans risquer de déplaire à des clients qui achètent chez vous car votre nom est un gage de luxe, de créativité et de qualité ?
Et surtout, comment ne pas s’exposer au courroux de l’opinion publique ? Opinion qui pourrait déplorer un manque de prise de positions de votre marque vis-à-vis d’un sujet aussi important que la survie d’une planète.
Faire du neuf avec du vieux dans ce secteur habitué à proposer des nouveautés en pagaille. Lancer le cycle de vie d’un produit à partir de celui qui était déjà sur le déclin et le remettre dans la distribution en tant que nouveau produit de luxe. Voici la nouvelle direction que les maisons de luxe doivent emprunter sans fâcher. Communiquer sur des sujets qui impactent directement les processus de création et de fabrication, est nouveau dans le milieu. S’engager, ou plus simplement politiser sa position vis-à-vis de l’économie circulaire, c’est s’exposer. Prendre le risque de s’auto-piéger à chaque décision que prendra ensuite la marque.
Mais les problématiques environnementales dues à l’industrie de la mode restent réelles et si “upcycling” est un mot préféré à “recyclage”, celui-ci n’est toutefois pas le remède miracle. Le rythme du nombre de collections à l’année perdure et ces collections dites “upcyclées” pour ne pas dire “recyclées” n’entrent pas dans une démarche qui implique de produire moins.
Recyclage et Upcycling chez les marques de Luxe.
Nous avons tous au moins une fois transformé un pantalon en bermuda, un jogging en short ou pire en chiffon. Pourquoi je vous dis ça, car bien que ce mot soit nouveau pour certain, le concept d’”upcycling” reste familier.
Sorti de l’ombre depuis peu, l’upcycling a pris avec la COVID-19 un virage jusque là imprévisible en 2019. Venu en père Fouettard, cette pandémie a drastiquement changé le visage de l’industrie et sa manière de produire, mais aussi la vision des consommateurs et leurs façons de consommer : acheter en quantité n’est plus la solution.
Apparaît une mode plus lente, exit la fast fashion, les marques font la promotion d’une nouvelle façon de produire. On va récupérer de vieux vêtements, matériaux et objets, dans le but de les transformer et de leur donner une seconde vie : c’est l’upcycling.
Et l’upcycling dans le luxe alors ? Dans le luxe, de grands noms de la couture vont courtiser l’upcycling : Emporio Armani, Louis Vuitton, Gucci, Maison Margiela. Jean Paul Gaultier en janvier 2020 déclarait « Je pense que la mode doit changer. Il y a trop de vêtements, et trop de vêtements qui ne servent à rien. Ne les jetez-pas, recyclez-les ! Ce soir, vous voyez ma première collection haute couture upcycling (…) j’ai utilisé mes archives comme de la matière. Ce que j’ai fait à mes débuts sans moyens, je le fais aujourd’hui avec mon patrimoine pour donner vie à des créations nouvelles ».
Alors l’upcycling dans le luxe, une bonne nouvelle pour notre planète ?
Même si certains experts pensent que cet engouement des maisons de luxe pour cette nouvelle hype que représente l’upcycling est une manière d’écouler les stocks amassés durant ces trois dernières années à cause d’une production ralentie due à la pandémie.
Cette tendance s’inscrit non moins dans une politique où consommer responsable tout en contribuant au bien–être de la planète est devenue tendance chez nos Millennials et la Gen Z : cibles idéales et surtout la clientèle ou future clientèle. Dès lors, ce nouveau mode de création devient plus marketing que éco-responsable. Car n’oublions pas que la mode, le 2ème émetteur de gaz à effet de serre en 2019, voit chaque années des milliers de tonnes d’articles invendus détruits.
En effet, si l’upcycling semble être une solution, cette solution ne résout qu’une partie de l’iceberg, qu’en est-il de la partie non visible qu’est la production ; la consommation et surtout quand cette mode entre dans nos placards. L’entretien de nos vêtements, spécifiquement des fibres synthétiques, est à l’origine de 500 000 tonnes de plastiques largués dans l’océan par an, soit l’équivalent de 50 milliards de bouteilles en plastique…
En résumé, l’upcycling c’est bien. Produire moins c’est mieux. Consommer responsable c’est encore mieux.